Une audioconférence a eu lieu ce vendredi après-midi pour faire le point sur l’épidémie de coronavirus dans le Grand Est. Josiane Chevalier, préfète du Bas-Rhin et du Grand Est, Christophe Lannelongue, directeur régional de l’ARS Grand Est et Christian Bailly, officier général de la zone de défense et de sécurité Est et gouverneur militaire de Metz étaient présents. Morceaux choisis.
« On est tout à fait conscient de la nécessité d’informer et d’être le plus transparent possible dans la gestion de cette crise. Dès ce soir, un tableau de bord contenant les informations dont nous disposons sera disponible ». C’est par ces mots que Christophe Lannelongue a pris la parole, ce vendredi après-midi, à l’occasion d’une audioconférence pour faire le point sur la gestion de la crise sanitaire liée au coronavirus. Au 2 avril, on comptait 4657 personnes étaient hospitalisées en réanimation dans la région, 1178 décès et 2227 personnes sont retournées à domicile après hospitalisation. « Des chiffres d’espoir » selon le directeur de l’ARS Grand Est (Agence Régionale de la Santé). « Il y a une diminution du rythme d’augmentation des personnes prises en charge pour cause de coronavirus. On avait, sur les trois derniers jours, une quasi stabilisation du nombre de cas. »
Le constat sur la maladie : le pic épidémique sera atteint avant le 25 avril
Un mois après le début de l’épidémie dans le Grand Est, deux constats sur la maladie émergent. « On constate une aggravation de la maladie entre le 15ème et le 19ème jour. De plus, dans certains cas, la durée de séjour en réanimation est plus longue que ce que l’on pensait : entre 20 et 25 jours », selon Christophe Lannelongue. Pour ces personnes, la sortie de l’hôpital nécessite ensuite plusieurs semaines de prise en charge par la médecine de ville. Concernant la propagation de la maladie, le directeur de l’ARS Grand Est est catégorique : « je suis formel, on approche du pic épidémique. Nous avons des modèles mathématiques qui nous indiquent qu’il aura lieu entre le 10 et le 25 avril ». Avant de tempérer. « Il y a les modèles mathématiques, mais il y a aussi la réalité. L’objectif à court terme est de faire baisser le nombre de cas. »
Création de services de réanimation et transferts en France et à l’étranger : la clé de la survie
En l’espace d’un mois, le Grand Est a triplé sa capacité d’accueil en réanimation. La région était équipée de 465 lits de réanimation. Elle en compte aujourd’hui 1170. La création de services de réanimation « a permis de garantir la prise en charge des patients contaminés en réanimation » selon Christophe Lannelongue. « C’est un effort sans précédent puisqu’il n’y a aucun exemple de création aussi rapide de services ». Au 2 avril, environ 30 patients par jour sortent de réanimation, contre environ 15 il y a deux semaines. « Hélas, on constate une augmentation du nombre de décès entre le 31 mars et le 2 avril, avec une cinquantaine de décès. »
Merci, danke, villmols merci
Dans la gestion de cette crise, le Grand Est peut remercier le reste de la France, mais aussi ses voisins. Ce vendredi, une 6e évacuation a eu lieu en direction de Toulouse, après le transfert de patients en Centre-Val-de-Loire, en Occitanie, en Nouvelle-Aquitaine et dans le Nord-Ouest de la France. À l’étranger, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse, et même l’Autriche ont accueilli 156 patients du Grand Est. « Sans cet effort de solidarité nationale et internationale et sans la création de nouveaux lits de réanimation, on ne serait pas passé. On n’aurait pas pu garantir l’accès aux services de réanimation et la prise en charge correcte des patients », a reconnu Christophe Lannelongue. « Nous renverrons l’ascenseur. Quand ce sera nécessaire, nous accueillerons des patients des autres régions ou des autres pays. Mais ce système a des limites : on ne peut pas pousser les murs et on ne peut pas former du personnel de façon illimitée. D’ici là, nous devons continuer les transferts. »
Une meilleure protection des soignants : 30 millions de masques distribués la semaine prochaine
Pour améliorer la gestion de cette crise, la région Grand Est prévoit de mettre en place plusieurs actions. Dès lundi, trois circuits vont être mis en place pour garantir aux personnels des établissements de santé une quantité de masques suffisants : un circuit pour les hôpitaux et un circuit pour le médico-social (les services funéraires, notamment) et, à partir de mercredi, un circuit pour la médecine de ville (médecins, pharmaciens, infirmiers). La région Grand Est a ainsi acquis 6 millions de masques : 2 ont été livrés mardi et 4 autres doivent l’être ce samedi. 30 respirateurs ont également été livrés mercredi : 10 à Strasbourg, 10 à Metz et 10 à Nancy. Dans les prochains jours, Mulhouse, Célestat et d’autres villes devraient être également livrés. « L’objectif est de renforcer les services de réanimation. »
Un meilleur accompagnement des personnes confinées à domicile
Le directeur régional de l’ARS salue la mobilisation générale des professionnels de santé et la solidarité entre les différents soignants. « Ce travail en équipe crée des approches innovantes : une infirmière peut consulter à domicile, puis le patient peut être suivi en télé-médecine. On utilise aussi désormais des logiciels pour suivre chaque patient à domicile. » Pour Christophe Lannelongue, l’accompagnement des personnes confinées à domicile est un enjeu essentiel. « Il ne faut jamais laisser de patients isolés chez eux. Il faut les accompagner et être notamment très attentif au 7ème ou 8ème jour de la maladie qui correspond, dans certains cas, à l’instant où l’état de la personnes s’aggrave »
Une application pour gérer les stocks de médicaments
La question de l’épuisement du stock de médicaments dans le Nord de la Lorraine a été évoquée. « Il y a une tension très forte sur 8 médicaments spécifiques, particulièrement chez nous en raison de notre situation. Le gouvernement a décidé de réquisitionner la production et les stocks de médicament pour maîtriser le circuit d’approvisionnement » , a précisé Christophe Lannelongue. Le directeur de l’ARS a ainsi annoncé la mise en place d’une application pour gérer les stocks de médicaments. « L’application sera prête demain soir et permettra, pour chaque hôpital, de suivre les stocks de ces 8 médicaments. Ça nous permettra d’éviter les ruptures de stocks. »
La mise en place de centres covid-19
Reims et Nancy sont les premières villes à avoir mis en place des centres covid. « On a commencé sur la base d’initiatives soutenues par l’État », précise Christophe Lannelogue. « La création de ces centres répond à l’idée de garantir la protection des personnels. C’est aussi la possibilité de prendre en charge des publics spécifiques comme les SDF et les migrants. »
Le soutien de personnels de santé d’autres régions pour soulager les soignants du Grand Est
Depuis un mois, les personnels de santé travaillent d’arrache-pied pour soigner les patients atteints du coronavirus. Pour certains, les heures de sommeil quotidiennes se comptent sur les doigts d’une main. « Les chiffres montrent l’extraordinaire mobilisation de cette région. Je tiens à saluer les professionnels de santé qui n’ont pas ménagé leurs efforts. Notre principale préoccupation désormais, c’est la fatigue des soignants. Ils affrontent l’épidémie depuis le début, doivent faire face à une maladie violente et sont dans une situation où les patients meurent en l’espace de quelques heures. C’est un choc pour ces soignants ». Un choc particulièrement important pour les plus jeunes selon Christophe Lannelongue. « Les jeunes soignants sont confrontés à une réalité terrible, éloignées des pratiques d’un professionnel de santé qui a pour rôle de soigner et guérir ». La solution ? Insuffler du sang neuf dans les effectifs. « On souhaite toujours plus faire appel aux soignants d’autres régions, même pour quelques jours ». À titre d’exemple, une équipe de soignants de Nouvelle-Aquitaine a récemment apporté son soutien pendant 5 jours. « C’est un soulagement pour nos équipes et ça permet à ces soignants d’avoir un retour sur expérience sur ce qu’il se passe dans notre région. » La région Grand Est ouvre également, dès ce soir, une plateforme dédiée aux volontaires pour travailler dans les EHPAD. « 1000 personnes se sont déjà proposées, des médecins et des infirmiers. Nous avons fortement renforcé les hôpitaux publics, il faut désormais renforcer les EHPAD. »
Un dépistage de masse dans les EHPAD
Après bientôt trois semaines de confinement, la région Grand Est pense déjà à l’après et à la façon de sortir de ce confinement. « On attend que la stratégie nationale soit mis en œuvre mais on réfléchit aussi avec nos propres structures pour préparer la sortie du confinement », reconnaît Josiane Chevalier, préfète de la région Grand Est. « L’après est un point essentiel. L’opération Renaissance sera le point de redémarrage de la vie économique et de la vie en société ». Pour préparer ce retour à une vie normale, un dépistage de masse est instauré progressivement dans les EHPAD, à travers la région. Un premier test est effectué à Nancy. « On effectue un test sérologique le premier jour et un autre quinze jours plus tard », précise Christophe Lannelongue. « Ça fait partie de la stratégie nationale de sortie de crise. La maladie est particulièrement violente pour les personnes âgées. C’est pour ça qu’il faut qu’on travaille et qu’on démontre par les résultats la qualité de cette stratégies. Évidemment, on ne se contente pas des tests. Il est important de préciser les conditions de prise en charge des personnes testées positives. »