C’était un vote très attendu par les élus de l’Eurométropole mais aussi l’opposition. Ce lundi soir, en conseil communautaire, le nouveau PLUi a été accepté.
Le plan local d’urbanisme intercommunal de l’Eurométropole de Metz ne va sûrement pas finir de faire parler. Après des semaines d’enquêtes publiques et de nombreuses réunions par les élus de la majorité ou de l’opposition pour parler de cette nouvelle feuille de route pour les années à venir, la commission d’enquête avait émis un avis défavorable sur le dossier très complet (1200 contributions reçues) proposé par le président de l’EM, François Grosdidier (DVD).
Malgré cela, tous les élus, Henri Hasser (DVD) en tête (vice-président de l’Eurométropole chargé de l’urbanisme, et maire de Ban-St-Martin) voulait aller au bout du projet phare de la métropole. Principal problème soulevé : trop de place pour le foncier, la seule méthode pour combattre la crise du logement, et 256 nouveaux hectares pour bâtir dans la métropole.
L’un des points à l’ordre du jour du conseil métropolitain du 3 juin portait sur ce vote, un point qui a été longuement débattu, voté sans les opposants Unis et RN de Metz et deux communes, et qui était à nouveau critiqué par les élus du groupe d’opposition messin. Vendredi dernier, Charlotte Picard, conseillère municipale et métropolitaine PS avait dénoncé « un projet qui n’a pas pris la mesure du changement » notamment climatique et économique.
François Grosdidier hué par des militants
Peu avant ce vote, ce lundi, une centaine de militants issus de formations politiques (EELV, PCF, Generation.s) et d’associations écologistes, comme le collectif « sauvons la forêt de Mercy » qui veut « préserver les 10 ha de forêts en libre évolution » (où un projet photovoltaïque est attendu) attendait François Grosdidier à l’entrée du CESCOM. Le maire de Metz et président de l’Eurométropole a rapidement filé à l’intérieur du bâtiment non sans adresser un geste amical, bien que sarcastique, aux opposants.
Dans une salle comptant plus d’une quarantaine d’élus absents, les débats ont été tout de même étoffés : « quand il y a un manque de logement sur Metz, on construit à tout va sur les terrains de la métropole. Ce sera plus écologique et économique de faire mieux avec de l’existant » dénonce Jérémy Roques (EELV). « Ce que vous préconisez dans le PLUi est antisocial », rétorque François Grosdidier qui dénonce « une récession, une décroissance ».
La possibilité de créer 11 300 logements
« Ce PLUi est le fruit de plusieurs années et va définir les prochaines années de notre territoire, qui attire, rappelle Henri Hasser. On ne peut nier les problèmes de logements et la nécessité par nos communes de trouver du foncier. Ce projet permettra de créer 11 300 nouveaux logements ». Le vice-président rappelle que 12 000 ha, le tiers du territoire, « est protégé », mais il faudra trouver des moyens d’accueillir de nouveaux résidents « et aussi de nouvelles entreprises dans les ZAC ». Un PLUi et des enjeux multiples, « je le concède, il est contradictoire mais c’est un espace d’échange et de solidarité autour d’un projet commun. C’est un document d’équilibre », explique le maire de Ban-Saint-Martin. Applaudissement nourri.
Equilibre ? Consensus ? Pas vraiment. Une dizaine d’élus demandent à prendre la parole, dont certains qui voteront contre. « 400 ha ont été urbanisés en 10 ans sur notre métropole. 219 autres à faire dans les 10 ans à venir, dénonce Jérémy Roques. C’est notre avenir et celui de nos enfants qu’on est en train de couler sous le béton », rappelant que les quartiers de Magny, de la Grange aux Bois ou de Devant-les-Ponts ont émis un avis fortement défavorable. Exemple pour lui : un artisan qui sera mis à mal rue de la Ronde, la nature qui sera détruite au Pas du Loup à Magny ou encore le projet de parking à Longeville-lès-Metz « contre l’avis de la population et de la mairie ». En conclusion : « pourquoi ne pas discuter et se concerter encore au lieu de faire ce PLUi à la va-vite et risquer de devoir le refaire, avec un nouveau coût ». « Cinq ans déjà, ce n’est pas à la va-vite » clament les élus. Manuel Brocart, qui représente Longeville-lès-Metz, votera d’ailleurs contre le projet, suivant la demande de la maire Delphine Firtion.
Urbanisation curative et surconstruction pour l’opposition
Pour Denis Marchetti, élu EELV de Metz, « notre métropole est trop en réaction, trop curative, et pas préventive ». Sur les inondations récentes : « six retenus sont attendus sur nos ruisseaux. Si cela est nécéssaire, ce n’est que de la réparation. Si on ne traite pas l’origine, dans 5 ou 10 ans on devra refaire des retenus. Donc il y urgence à repenser notre urbanisme ». Du côté du RN, Françoise Grolet critique la « surconstruction, la frénésie de bétonnage comme votre prédécesseur », notamment dans les grandes communes, « alors que les petites se voient freinées dans leurs projet de développement » : « laissez les communes assurer leur avenir ».
François Henrion, maire d’Augny et vice-président, a quant à lui salué le projet, et rappelé l’urbanisation de l’Actisud ou de Frescaty sur son territoire. « On a pris les notions de la nature, il n’y a jamais eu autant d’arbres à Frescaty, on a aussi recréé des prairies. » Pour lui, ce PLUi sera l’occasion de « retenir les jeunes » mais aussi les entreprises et les entrepreneurs « qui ne vont pas tous au Luxembourg ». Pour autant, il ne faut pas croire à « l’utopie » de la zéro artificialisation. Le vice-président et maire de Montigny, Jean-Luc Bohl, concède que « ce sont les difficultés qu’on nous impose qui font des opportunités. Le départ d’un régiment, la fermeture d’une base aérienne, 9,5 ha qui deviennent une friche au coeur de Montigny… », et qui deviendront l’écoquartier Lizé.
« Je ne suis pas un bétonneur »
« Je ne suis pas un bétonneur ». Le maire de Lessy, Jean-François Losch, a la voix tremblante, ému d’avoir été « ciblé par des critiques » alors qu’il veut « travailler pour tous, faire les efforts qu’on nous a demandé ». Dans sa commune de 800 habitants, « nous n’avons pas les même problématiques que dans d’autres. Il ne faut pas céder à ceux qui veulent garde leur petit conforts. » Mais « maintenant, il faut qu’on accepte les impératifs de chacun. Le document n’est pas parfait mais il nous le faut » pour que les petites communes ne meurent pas, ne deviennent pas « des dortoirs ou des pavillons de seniors ».
Même son de cloche pour Bertrand Duval, vice-président et maire de La Maxe, qui rappelle que la commune n’était pas heureuse de voir s’installer Haganis ou une centrale EDF sur son ban. « Mais il faut bien s’installer quelque part ». Pour Philippe Gleser, vice-président et maire de Lorry, « sur la forêt de Mercy, en association avec ceux qui voulaient bien travailler avec nous, nous avons réussi à préserver plus de 145 ha de forêt. Et nous travaillons pour avoir un avis objectivé sur la biodiversité », termine-t-il. A Henri Hasser de conclure : « à ceux qui pensent que nous n’avons écouté personne… Si on reprend les 800 avis différents, on a apporté 40% de réponse positive, et partiellement à 30%. Et bien sûr on n’a pas pu en répondre à d’autres car ce n’était pas dans notre politique d’aménagement comme on l’a maintes et maintes fois expliqué ».
François Grosdidier termine la séance en parlant de conciliation de 44 maires sur les 46 de l’EM : « je suis contre l’exercice du PLUi mais nous y sommes obligé. On multiplie par 44 les demandes et les critiques. (…) Alors oui, nous voulons que nos enfants aient un toit. Qu’ils puissent un jour aussi accéder à la propriété. Urbaniser, mais pas bétonner ». Le développement durable et la transition écologique, ça doit être de concilier « le social, l’économie et l’écologie », tout en respectant « les besoins des concitoyens », dont le logement est prioritaire.
Approbation finale
Le débat s’est aussi étendu sur la définition des zones d’accélérations en énergies renouvelables du territoire. « Il n’y a aucune raison de le refuser, dit le président. Il y a 200 ha de friches militaires dont certains sont en effet devenus des forêts. Ce n’est pas de la destruction de forêt, c’est en l’état et à l’abandon ». Les collectifs veulent que ces zones soient définis comme des territoires naturels à préserver. « L’Etat a proposé aux communes, bien avant mon arrivée, de lancer de projets de productions électriques sur ces friches », défend Grosdidier.
Avec cette approbation finale, nulle doute que la quarantaine d’associations écologistes vont demander un recours devant le tribunal comme annoncé plus tôt cette année. François Grosdidier envisage aussi de saisir le tribunal administratif contre l’avis défavorable de la commission d’enquête. A noter que d’autres commissions, notamment la Préfecture, avaient aussi émis un avis défavorable sur le PLUi.
Photo de couverture : © Eurométropole de Metz