Le directeur sportif du FC Metz, Pierre Dréossi, a accordé une interview à Moselle TV dans le cadre du Graoully Mag du 21 septembre. Retrouvez l’intégralité de ses propos dans cette retranscription.
On va évoquer le mercato d’été qui s’est clos il y a plusieurs semaines. On sait que pour un promu ce n’est jamais simple. A titre personnel, êtes-vous satisfait du travail effectué, aussi bien pour les arrivées que les départs ?
On verra. La satisfaction, elle viendra des résultats. En tout cas, on a fait au mieux avec les moyens que l’on avait et dans le temps imparti par ce mercato. C’est un mercato ample, avec je crois 27 dossiers. Sept joueurs ont été transférés, dix nouveaux joueurs nous ont rejoint, il y a eu sept prêts et trois prolongations. C’est un mercato important qui a permis, je l’espère, de donner un effectif de Ligue 1.
Vous étiez attendu au tournant. Lors d’un Graoully Mag en fin de saison passée, vous avez laissé entendre que vous possédez plutôt un carnet d’adresses de Ligue 1 que de Ligue 2. Dans le concret, hormis Christophe Hérelle, ce sont davantage des joueurs « exotiques » qui sont arrivés.
Exotique n’est pas tout à fait le mot. Ce sont des joueurs qui sont tout de même européens. On ne les a pas trouvés en Afrique ou en Amérique du Sud. Ce sont des joueurs que l’on avait suivis, que l’on connaissait avec une réussite dans les championnats européens.
Dans le cadre de la Ligue 1, elle a pris une dimension financière importante et pour le FC Metz, il est difficile de trouver des joueurs « type première division » avec les salaires que l’on propose.
Vous avez tenté des joueurs de Ligue 1 ?
Beaucoup oui. Il y a eu beaucoup d’approches. On a pris des joueurs de l’étranger en majorité parce que le marché français est très cher et ce qu’il est important de savoir, c’est que parmi les profils recherchés, on n’a pas trouvé ce qu’on voulait faire en Ligue 1.
« On voulait surtout des joueurs qui encadrent ou peuvent apporter quelque chose de plus à notre équipe. »
Pierre Dréossi
Pourquoi ces refus ? Les salaires ? Les indemnités de transfert ?
Ce sont un peu les deux. Un promu comme le FC Metz doit rester raisonnable. On avait aussi prévu de compter sur nos joueurs qui avaient fait une saison fantastique la saison précédente. On voulait surtout des joueurs qui encadrent ou peuvent apporter quelque chose de plus à notre équipe.
On doit avoir un regard européen à minima, voire mondial. C’est ce qu’on a fait et le temps d’adaptation des joueurs qui ont signé cet été est assez court. Ça faisait partie des critères de choix.
Est-ce que vous avez été handicapés par la vente tardive de Georges Mikautadze ?
Non. On savait depuis le départ que Georges partirait et qu’il partirait en fin de mercato. C’est d’ailleurs plutôt un point positif que négatif, car sur les trois matchs joués, il a été intéressant avec deux buts et une passe décisive.
Il faut aussi se rendre compte que c’est très rare d’avoir réussi à faire jouer un joueur à 100 % alors que la certitude d’un transfert quelques jours ou quelques semaines plus tard était présente. C’est la notion de groupe que l’on a mis en place l’année dernière et que l’on a maintenu cette année qui nous a permis de faire une bonne saison. La force de ce groupe s’est forgée de jour en jour, d’entraînement en entraînement et nous a permis de pouvoir compter sur Georges jusqu’au dernier jour.
Concernant Georges Mikautadze, est-ce que vous considérez avoir fait une erreur de communication après le match de Bastia. Dès la montée en Ligue 1 validée, vous avez annoncé ne pas pouvoir le garder et qu’il figurait sur la liste des transferts ?
Non, pas du tout. La communication est une chose, la réalité du football en est une autre. Tout le marché savait qu’on ne pouvait pas le garder et c’était aussi le deal du début de saison quand il a re-signé. Il lui restait un an de contrat et il a signé pour deux années supplémentaires en sachant qu’il partirait en laissant un chèque important pour le FC Metz. C’est important de le savoir. Il y a des deals qui sont faits et pour le bien du club, il fallait que ça se fasse.
« Le président est entré dans les négociations comme il le fait souvent pour les « gros » transferts. »
Pierre Dréossi
Est-ce que vous pensez l’avoir bien vendu ? 15 millions d’euros + 4 millions d’euros et 10% à la revente, c’est pas mal mais vous auriez pu espérer mieux…
Ce ne sont pas tout à fait les chiffres. C’est un peu plus. On se rapproche de 20 millions d’euros, pas directement, mais avec les bonus on pourra même les dépasser.
Le club l’a bien vendu. Le président est entré dans les négociations comme il le fait souvent pour les « gros » transferts. Je pense qu’on a bien travaillé.
Vous comprenez que vous avez rallumé la flamme de l’espoir en fin de mercato quand vous avez déclaré qu’il aurait pu rester en prêt au FC Metz ?
Oui, mais nous aussi, on y a cru. Ça ne bougeait plus, le marché était figé et en discutant avec Georges, c’était une opportunité de trouver un club qui l’achetait dès cette année avant de nous le prêter pour la saison. C’est une possibilité qui a existant pendant quelques jours, peut être même seulement quelques heures, mais ça aurait été une bonne chose. Le club avait besoin de cette manne financière, mais garder Mikautadze aurait été un apport important.
L’aspect sportif fait aussi partie des négociations. Vous avez aussi voulu le vendre à celui qui l’aiderait le plus à progresser ?
Dans un transfert, il faut que les deux clubs et le joueur soient d’accord et il y a eu des refus de « Mikau » sur des clubs où il ne voulait pas aller et c’est ce qui fait que ça a pris plus de temps, mais je crois qu’il méritait de pouvoir entrer dans ce choix. Il a été « clubiste » jusqu’au bout.
Vous comprenez les débats qui existent sur le fait que l’Ajax ne l’aurait pas réellement voulu et que ça soit le choix unique du directeur sportif ?
Je n’en ai aucune idée, mais si c’est le cas, c’est une erreur de leur part. En-tout-cas, ils ont un bon joueur et quel que soit l’entraîneur, il finira par comprendre ce qu’il a entre les mains. Il faut simplement savoir l’utiliser.
Vous avez négocié un prêt avec l’Ajax ? Ou cette piste était uniquement avec des clubs français comme Rennes ou Lyon ?
Non, ça n’a jamais été envisagé avec l’Ajax, uniquement avec un club français.
Un club de l’Ouest que vous connaissez bien ?
Oui, voilà.
« je pense qu’on a fait un mercato intéressant, pas bling-bling. »
Pierre Dréossi
Beaucoup de noms ont été évoqués en fin de mercato, c’est finalement Óscar Estupiñán qui a signé. Peut-on parler d’un choix par défaut ?
Il n’y a jamais de choix par défaut. Nous ne sommes la priorité de personne et nous n’avions de priorité pour personne. Il faisait partie de nos listes, c’est un joueur que nous connaissons bien, encore plus à partir du moment où on a détecté et voulu Benjamin Tetteh. C’était le profil que l’on cherchait et il y avait une opportunité, rendue possible avec un prêt et une option d’achat non-automatique.
Ce qui était possible pour Óscar Estupiñán ne l’était pas pour Paul Onuachu, l’ancien soulier d’or en Belgique ?
Non, ça a été évoqué, il y a eu beaucoup de contacts, mais ni le club ni le joueur ne voulaient que ça se fasse. On a tout essayé, mais c’était impossible.
Le regret du mercato, c’est peut-être de ne pas avoir concrétisé Wilson Isidor ?
Oui, ça a été compliqué, mais on était beaucoup trop loin dans la négociation qui a duré jusqu’à une minute avant la fin du mercato. Ça aurait été un renfort supplémentaire, mais je pense qu’on a fait un mercato intéressant, pas bling-bling, on a fait venir des joueurs qui vont apporter à notre équipe tout au long de la saison.
L’arrivée possible de Wilson Isidor confirme l’envie d’avoir un joueur supplémentaire sur un côté, vous avez aussi essayé Gauthier Hein…
Oui, mais entre temps, on a fait Joel Asoro. On cherchait plus un vrai ailier pour s’intégrer à notre 4 – 3 – 3 avec des joueurs de couloir. Gauthier Hein est un très bon joueur qui peut jouer sur le côté, mais son meilleur poste c’est derrière l’attaquant. C’est un créatif et je pense qu’Auxerre n’était pas loin de vouloir s’en séparer et on n’a pas trouvé l’accord sur le plan financier.
C’est une déception ?
Il n’y a pas de déception dans le recrutement, vous partez avec des idées puis vous arrivez avec d’autres. L’important, c’est le résultat final. On a su garder les joueurs qu’on voulait garder et on s’est séparé de ceux qui jouaient moins. On a un groupe intéressant et chaque joueur rentre dans le profil que l’on avait défini avec László Bölöni.
On vient d’évoquer le jeu sur les côtés. Le secteur défensif droit a été un gros chantier, est-ce que Kévin Van Den Kerkhof est là pour palier à l’absence de Colin ?
Il est là pour nous apporter un plus offensif sur certains matchs. Si vous avez remarqué, on a trois arrières droits, mais un seul arrière gauche. Au premier match, Koffi Kouao jouait à gauche, Maxime Colin peut aussi jouer à gauche. On voulait quatre latéraux, on a trois droitiers et un gaucher. Sur certains matchs à l’extérieur, comme à Lens, Kévin a la capacité à nous apporter quelque chose vers l’avant.
La polyvalence, c’est un des premiers critères dans le mercato du FC Metz ?
Non. La première chose, c’est de rechercher un profil. On sait bien qu’on n’aura pas des joueurs qui jouent dans des gros clubs avec de gros salaires, mais on cherche un profil, une mentalité. Cette équipe, ce groupe, ce club ont une mentalité particulière qui va faire qu’on va réussir. Avec difficulté, mais on est prêt à l’assumer comme l’année dernière. C’était une année difficile, celle-ci le sera tout autant, mais j’espère qu’on atteindra les objectifs que le FC Metz mérite.
« Notre politique est de former et il faut faire la place aux jeunes s’ils ont le mérite et la qualité pour jouer. »
Pierre Dréossi
Un autre départ a surpris, c’est celui de Youssef Maziz. Pouvez-vous nous expliquer ce départ ?
Il faut lui demander à lui. Il voulait partir, il lui restait un an de contrat. Pas de prolongation acceptée dans les chiffres et dans les termes que le FC Metz pouvait proposer. C’est un joueur qui nous a aidé l’année dernière, mais c’est aussi un joueur particulier, qui ne rentre pas toujours dans ce que László Bölöni veut. C’est un choix et l’essentiel est d’avoir ce groupe qui court dans le même sens. Youssef a été formé ici, il fait ce qu’il devait faire. Il part, tant mieux pour lui. Maintenant, bon vent.
Avec son départ, hormis Lamine Camara, le FC Metz dispose essentiellement de joueurs au profil de récupérateurs au milieu. Plus de besogneux que de techniciens…
Ce n’est pas tout à fait vrai. Je pense qu’Arthur Atta va arriver. Notre politique est de former et il faut faire la place aux jeunes s’ils ont le mérite et la qualité pour jouer. Il ne faut pas prendre un joueur pour prendre un joueur. Arthur a le profil et aura très vite la qualité pour aider cette équipe, j’en suis certain. Maintenant, c’est à lui de jouer.
On vient d’évoquer plusieurs secteurs, mais pas celui de gardien de but. Le nom de Daniel Schmitt a beaucoup circulé, pourtant il y a Guillaume Dietcsch, Marc-Aurèle Caillard, Alexandre Oukidja…
On a essayé de le faire. Ça ne s’est pas fait. Marc-Aurèle devait partir, il n’est pas parti. On a pensé qu’on avait besoin de plus d’expérience à ce poste-là et il y avait une opportunité. Ça ne s’est pas fait, mais on est très contents de nos gardiens et ça devrait rester comme ça jusqu’à la fin de saison.
Ça aurait pu concurrencer Alexandre Oukidja, mais aussi bousculer l’avenir de Guillaume Dietsch
Oui, mais il y a l’exigence du haut niveau qui peut retarder l’émergence d’un joueur ou pas. On a eu des échanges tous ensemble avec le président et l’entraîneur. On restera avec nos trois gardiens et on est très contents.
Au mercato d’hiver, il faudra anticiper la CAN et les nombreux joueurs qui risquent de quitter le club pour la disputer. Comment ne pas être affaiblis ?
Je ne suis pas tout à fait d’accord. Je pense que le mercato d’été a été fait en partie avec cette réflexion. Bien sûr que quelques joueurs vont jouer la CAN. Trois, voir quatre, peut-être plus… mais je ne pense pas que le mercato d’hiver servira à combler la CAN. Il y a des jeunes qui vont arriver, c’est notre politique sportive et on y travaille énormément et dans notre effectif de 28 joueurs la CAN ne devrait pas avoir d’impact.
« Le mercato peut accélérer ou freiner les choses, mais ça ne représente que deux mois dans l’année et je travaille douze mois. »
Pierre Dréossi
Pour le moment, la réalité du terrain donne raison à la construction de l’équipe avec des points engrangés dès le début de saison.
Mathématiquement, ça se passe plutôt bien. Sur cinq matchs, on a joué trois équipes européennes … Maintenant, chaque match est difficile et chaque équipe qu’on va rencontrer va également se frotter à de la difficulté. On sait que chaque point est une victoire et on va aller chercher tout ce que l’on pourra à chaque match. On l’a montré la saison dernière et c’est aussi ce qui fait que les supporters sont derrière l’équipe, ils savent que les joueurs se battront jusqu’au bout, c’est l’ADN de ce groupe.
Vous êtes arrivé sur le tard la saison passée, c’était votre premier vrai mercato. Vous comprenez les attentes qui pesaient sur vous ?
Bien sûr, je le comprends et je l’accepte, mais la réalité de mon poste ce n’est pas simplement le mercato. C’est se faire marcher le groupe au quotidien au contact de l’entraîneur, mettre en place une politique pour que l’on voie au-delà de cette saison. Il y a la suivante, les jeunes, l’académie… On doit dégager de la richesse, pas financièrement, que le club prenne une vraie place en première division. C’est ça mon boulot.
Le mercato peut accélérer ou freiner les choses, mais ça ne représente que deux mois dans l’année et je travaille douze mois.
Dans ce cas, êtes-vous satisfait de votre bilan au bout d’un an ?
Ce n’est pas à moi d’être satisfait. Ça fait 30 ans que je fais ce métier avec quelques résultats. Aujourd’hui, il y a une politique qui a été mise en place et doit se conduire en harmonie avec directeur du centre de formation, le directeur de l’académie à Dakar, avec l’entraîneur et on arrive à le faire. On travaille main dans la main pour que Metz devienne un vrai club de Ligue 1.
Vous parlez de travail main dans la main. Il y a László Bölöni, Bernard Serin, mais aussi Lucien Donofrio ?
Oui, bien sûr, on a très bien travaillé avec Lucien, avec Fred Arpinon à Dakar… Il y a deux joueurs qui sont arrivés et un qui a joué. On a tous le même objectif de réussite à long terme du FC Metz, ce qui implique quand même que le court terme peut mettre en cause ces objectifs. Le championnat à 18 rend les choses difficiles pour le FC Metz, mais aussi 4 ou 5 autres équipes. À nous d’en mettre trois derrière nous. Mais avec une ou deux saisons à ce niveau, on devrait récolter les fruits de cette politique en Ligue 1.
J’évoquais Lucien Donofrio, c’est un peu le « Bernard Lacombe » messin, on ne le voit pas, mais on connaît son influence. Jusqu’à quel point ?
Oui, il fait partie des gens avec qui on discute pour faire avancer les choses. Vu son expérience, la mienne, celle du président, de Laszlo… On est une bonne équipe qui travaille main dans la main pour réussir.
Une interview réalisée par Arnaud Demmerlé et Emeric Guillaume dans le cadre du Graoully Mag du 21 septembre 2023 à retrouver en replay sur notre site internet.