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Peut-on rendre les transports en commun gratuits à Metz ?

La rubrique politique de cette semaine s’intéresse à un point de la campagne qui fait beaucoup réagir au niveau national : les transports gratuits.

En France, une quarantaine de collectivités ont rendu tout ou partie de leurs transports en commun gratuits. En 2020, non loin de la Moselle, le Luxembourg a même lancé la gratuité dans tout le pays, le premier au monde. Assez logique de voir que cette thématique s’est retrouvé dans plusieurs programmes pour les municipales en 2026 à Metz. Une étude Odoxa la semaine dernière explique que 6 français sur 10 souhaite cette mesure pour les prochaines municipales. Alors qu’une fake news faisait croire à une gratuité totale en France, est-ce que cela serait possible à Metz ?

Une mesure totale, mais par étape

Pour l’ancienne députée Charlotte Leduc, candidate LFI, la mesure est dans ses priorités pour la campagne. « On aura un mandat pour mettre en oeuvre la mesure. D’abord pour les jeunes de moins de 25 ans et les revenus les plus modestes. C’est une mesure écologique et sociale d’urgence absolue, pour que la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne repose pas que sur les personnes qui ont besoin de se déplacer au quotidien ». Du côté du candidat des Ecologistes, Jérémy Roques, même demande : « c’est totalement faisable, il faudra le faire progressivement pour ouvrir plus tard à la gratuité totale ». Et pour le financement, les deux candidats avancent des chiffres : « la métropole est bénéficiaire chaque année de 10 millions d’euros, il ne reste plus beaucoup à trouver », avance Jérémy Roques qui table entre 13 et 16 millions d’euros à trouver.

Pour Charlotte Leduc, « 16 millions à compenser, cela peut être financé par une hausse légère de la contribution financière des entreprises, ou par un emprunt pour compenser un manque d’investissement, la métropole a d’ailleurs été épinglée à ce sujet par la chambre régionale des comptes ». Dans les faits, ce rapport indique en effet que Metz Métropole doit plus investir, mais l’oriente simplement vers « une politique d’investissement pour la transition écologique de sa flotte de véhicules ».

Privilégier les investissements

D’autres candidats s’estiment « plus mesurés » sur la question. Pour Etienne Anstett du RN, son équipe a évalué le coût à « 20 millions d’euros, et des effets de bord qui feront peser à la métropole 5 millions de plus, en cas de gratuité totale et absolue. Ce n’est pas la solution », explique-t-il, arguant qu’il s’agirait d’une mesure « injuste » : d’un côté, la collectivité payerait aussi pour ceux qui ne font pas partie de la métropole, de l’autre, « les ménages les plus aisés qui peuvent se permettre de payer » profiteraient aussi de la gratuité. Sa solution serait alors une gratuité ciblée uniquement à ceux qui en ont besoin (« les jeunes, les ménages modestes, les personnes âgées ou vétérans ») et pour des « événements festifs ou d’ampleur ».

Même constat pour Bertrand Mertz, candidat de la liste PS. « On doit faciliter ce droit essentiel à se déplacer. Mais à Metz, la billetterie représente une part plus importante que dans d’autres collectivités. Notre réseau a besoin surtout d’autres investissements : de faire de la ligne C une ligne totale jusqu’à Saint-Julien-lès-Metz en passant par Bellecroix et Vallières ; et de moderniser les bus ». Le candidat annonce ne pas prendre des engagements « que je ne peux pas tenir » et pourrait utiliser sa proposition de référendum municipal pour soumettre la question aux concitoyens. Pour le RN, cette « amélioration structurelle » est en effet plus importante et de lister les problèmes actuels : le cadencement, la régularité, la lutte contre la fraude et les incivilités ou une intermodalité plus poussée.

Plus de 16 millions d’euros à combler

François Grosdidier, le président de la métropole (pour l’instant pas candidat) est sur la même ligne : « la gratuité des transports est une mesure contreproductive et démagogique », dit-il. Pour cela, il s’appuie sur un constat : « un bus gratuit fait monter à bord 4 fois plus de piétons et de cyclistes que d’automobilistes », et donc ne réduit pas les émissions de CO2, « c’est même l’inverse ». Parmi ses arguments, « l’argent n’est pas un problème, car le coût d’un ticket est déjà pris en charge aux 3/4 par la collectivité. Si on devait absorber ce coût, on devrait multiplier par 4 la taxe foncière de la métropole ». Les investissements doivent donc reposer sur le matériel, la sécurité et le confort. Et de terminer, « ça coûte déjà moins cher de prendre le Mettis ou le bus pour aller de la banlieue messine au centre, que de prendre sa voiture ».

Plusieurs chiffres sont donnés par les candidats pour absorber ce coût en cas de gratuité, mais quelle est la réalité ? En 2024, ce fameux rapport de la chambre régional des comptes parle de 16,4 millions de revenus de la billetterie, soit une petite part du financement, largement produit par le versement mobilité des entreprises, 56,4 millions d’euros. Ce qui fait au total, charges déduites en 2024, un bénéfice net de 10 millions d’euros. Enfin, selon une étude en 2022, un voyage dans le système de transport messin coûte aujourd’hui 2,30€ à la métropole, un peu moins que la moyenne française, et lui rapporte 70 centimes, un peu plus que la moyenne. Mais la gratuité attire, c’est un fait : les 4 week end gratuits avant Noël 2024 avaient amené 450 000 voyages sur les 23,5 millions de l’année.

Enfin au niveau national, pour la Cour des comptes en septembre, rendre les transports gratuits, c’est le risque de « faire peser une surcharge financière aux communes, au détriment de l’investissement ». Un rapport jugé à charge pour le maire de Montpellier qui avait, lui, rendu son réseau gratuit et constate une hausse des achats en ville et une amélioration de la qualité de l’air.

Jonathan Vaucher
Jonathan Vaucher
Journaliste Reporter d'Images / Référent politique / Présentateur

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