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Le réseau social TikTok dans le viseur des parlementaires

En mars dernier, l’Assemblée nationale a mis en place une commission d’enquête chargée d’évaluer l’impact de TikTok sur la santé mentale des jeunes. Parmi ses membres figure la députée mosellane Isabelle Rauch (Horizons & Indépendants), vice-présidente de cette commission. Ce jeudi a été présenté 43 recommandations pour encadrer ce « réseau hors de contrôle, à l’assaut de la jeunesse ».

Pourquoi TikTok est visé depuis quasiment 7 mois ?

En mars, l’Assemblée nationale a décidé la création d’une commission d’enquête sur les effets de TikTok sur la santé mentale des jeunes. C’est pour cela que nous nous sommes concentrés spécifiquement sur cette plateforme.

Et pourquoi uniquement TikTok, et pas Twitter, Facebook ou d’autres réseaux sociaux ?

Parce que certaines affaires nous ont alertés. On a vu des ravages sur la santé mentale des jeunes, notamment des suicides, et des collectifs de parents se sont mobilisés. Nous avons donc voulu enquêter plus précisément pour voir si c’était une réalité ou seulement un effet de mode. Et il s’avère que c’est bien une réalité…

Qu’est-ce qu’il ressort de cette commission parlementaire, qui vient d’être révélée ?

Ce qui ressort, c’est la puissance de l’algorithme de TikTok. Il enferme les jeunes dans des bulles et, lorsqu’ils ne vont pas bien, leur propose des vidéos qui accentuent leur mal-être, jusqu’à parfois les pousser vers des comportements très dangereux, voire le suicide. Bien sûr, il y a aussi de belles choses sur TikTok, mais on y trouve surtout beaucoup de contenus qui nuisent à la santé des jeunes.

Pendant ces commissions, vous avez eu le témoignage poignant de certaines familes…

Oui. Nous avons entendu des témoignages très bouleversants, notamment celui d’un jeune garçon dont la sœur aînée s’était suicidée. Voyant que sa petite sœur pouvait suivre le même chemin, il passait chaque soir une à deux heures sur TikTok pour nettoyer son fil, en signalant : “cette vidéo ne m’intéresse pas”, afin que sa sœur ne soit pas confrontée aux mêmes contenus. Ce témoignage a été particulièrement marquant.

Et en Moselle, avez-vous déjà constaté des retours ou des exemples concrets ?

Oui. Il suffit d’aller dans un collège ou un lycée. On me rapporte régulièrement que TikTok diffuse des contenus qui encouragent l’anorexie, l’automutilation ou même le suicide. Ça va très vite : si un jeune traverse une période de tristesse, l’algorithme lui propose aussitôt des vidéos qui accentuent ce mal-être. C’est ce qui est inquiétant, et ce qui nous pousse à agir.

Quels sont les points essentiels de cette commission parlementaire ? Quelles solutions sont envisagées ?

Les solutions sont multiples. On parle de l’interdiction des réseaux avant 15 ans, de la “pause numérique”, voire d’un couvre-feu numérique. Mais l’une des recommandations qui me paraît la plus importante, c’est la numéro 10 du rapport : faire évoluer TikTok du statut d’hébergeur vers celui d’éditeur.
Aujourd’hui, TikTok n’est pas responsable des contenus publiés. Contrairement à une chaîne de télévision ou un journal, qui doivent assumer leurs propos, les réseaux sociaux se réfugient derrière une législation qui les décharge de toute responsabilité.

Pour bien comprendre : c’est parce que ce sont les utilisateurs qui publient des vidéos, que TikTok n’est pas tenu pour responsable ?

Exactement. Ce n’est pas qu’il ne “se sent pas” responsable : légalement, il ne l’est pas. Et tant qu’on n’attaquera pas ce modèle économique, TikTok continuera de se cacher derrière cette absence de statut d’éditeur. Bien sûr, on doit aussi éduquer les jeunes, développer leur esprit critique, comme on apprend à traverser la route. Mais il faut aussi un cadre clair, un “code de la route” du numérique, qui n’existe pas aujourd’hui.

Le couvre-feu numérique semble compliquer à appliquer ? Par exemple, à la maison, si les parents ne surveillent pas, un enfant peut facilement aller sur TikTok…

Bien sûr que c’est compliqué. C’est pourquoi il faut aussi responsabiliser TikTok. La commission s’est concentrée sur les jeunes, mais on a vu que les ravages concernent aussi d’autres publics. Interdire le portable au collège est déjà en place. Pour le lycée, la question se pose encore. Mais le numérique doit rester un outil d’apprentissage, pas devenir une dépendance. Cela suppose de muscler l’esprit critique, mais aussi que l’État prenne ses responsabilités face à ceux qui captent l’attention des jeunes uniquement pour en faire un business.

Toute dernière question : quelle est la suite ? Avez-vous des projets précis, des discussions avec TikTok par exemple ?

Les discussions avec TikTok ont été compliquées. Vous avez peut-être vu certaines auditions : on n’a pas avancé. Mais je ne lâche rien. Désormais, l’objectif est d’agir au niveau européen, car une législation commune est nécessaire. Les données circulent au-delà des frontières, et sans cadre européen, il sera impossible de réguler efficacement.

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Mattéo Philipp
Mattéo Philipp
Journaliste Reporter d'images

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