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Dettes colossales à Gandrange : les impôts locaux ont doublé

En proie à des dettes de plus de 5 millions d’euros, Gandrange a voté une hausse de 136% de ses impôts locaux.

La petite ville de Gandrange fait face à une situation financière particulièrement tendue. L’encours de sa dette atteint aujourd’hui 5,33 millions d’euros, soit 1 741 euros par habitant. Un niveau supérieur à la moyenne des communes comparables, évaluée à 1 727 euros. Dans un rapport publié en juillet, la Cour régionale des comptes (CRC) a pointé des « charges structurelles 20 % plus élevées que la moyenne », un constat jugé « préoccupant » pour l’avenir de la commune.

Un héritage lourd

La situation trouve ses origines dans un emprunt contracté en 2006 pour un montant de 4 millions d’euros, à un taux de 3,9 %. Son remboursement s’est étalé jusqu’en 2013, mais la situation s’est dégradée. Comme dans d’autres communes, Gandrange a subi une réduction de la dotation globale de fonctionnement de l’État (-500 000 euros par an), un prélévement supplémentaire de 40 000 euros de l’Etat, puis dès 2017 la perte des recettes fiscales d’ArcelorMittal (-241 000 euros par an). Dans ce contexte, le maire Henri Octave (PS), élu en 2008 a tenté de renégocier.

En 2017, la municipalité tente de renégocier l’emprunt pour profiter de la baisse des taux, tombés à 0,7 %. Mais la banque refuse, et une bataille judiciaire s’engage avec une agence spécialisée. Le bras de fer tourne au désastre : la commune perd en première instance puis en appel. L’affaire est désormais en cassation, mais Gandrange doit déjà assumer les conséquences : remboursement du capital, paiement des intérêts et surtout 800 000 euros de pénalités de retard. « En tant que membres du conseil municipal, nous ne savions pas que des intérêts moratoires s’étaient rajoutés à la note. En 2021, il y avait une réserve suffisante pour payer la dette de la banque », regrette l’élu d’opposition Quentin Bigot qui regrette de ne pas avoir été officiellement informé par le maire de cette affaire jusqu’en 2024. Le maire avoue aussi avoir appris tardivement que les pénalités continuaient à s’accumuler malgré l’appel et la cassation.

Budget bloqué et restrictions

Le 14 avril dernier, le conseil municipal vote un budget prévoyant un remboursement partiel de la dette, 700 000 euros sur les 3,2 millions. Mais selon le maire, l’opposition dépose un recours devant le préfet, dénonçant l’« insincérité » du document, puisque toute la dette n’était pas inscrite. Résultat : le budget est bloqué le temps de l’avis de la CRC. « Nous avons envoyé ce courrier car la majorité disait être en train de négocier avec la banque pour rembourser la dette en plusieurs fois, mais ils n’en ont pas donné la preuve », explique Quentin Bigot. Un mensonge pour l’opposition puisque « aucune négociation était en cours » à ce moment et que la tentative de négociation a été entreprise après, trop tard.

La CRC a alors imposé à la commune de se limiter aux dépenses indispensables (personnel et sécurité) et de suspendre le reste. Conséquence directe, les animations sont annulées et les versements des associations sont gelées. « Le solde, uniquement. Les associations ont reçu la moitié de leurs subventions en début d’année, et plus de 80% même pour l’école de musique », dit le maire. « Ce n’est pas un choix, c’est une contrainte ». Malgré cela, la hausse d’impôt est inévitable pour retomber aux 3 millions de dette.

La hausse d’impôts historique

Face à l’impasse, le conseil municipal a voté le 4 juillet une hausse record des impôts locaux : +136,72 %. Une augmentation historique en 2025 en France. Les taux atteignent désormais 32,64% (taxe d’habitation sur les résidences secondaires), 64,49% pour le foncier bâti et 136,60% pour le non-bati. « La taxe d’habitation aurait permis d’atténuer l’impact, mais l’État l’a supprimée », regrette Henri Octave. « Pour le reste, cela ne concerne pas tous les habitants mais je comprends que c’est une lourde charge à supporter. Ce ne sera que cette fois, et ça devrait aller mieux l’an prochain ».

« En effet, je pense qu’on pourra retomber à des taux normaux dès l’an prochain mais je trouve ça un peu déplacé de dire aux habitants de se serrer la ceinture. Il y a plein d’administrés qui ont déjà du mal à boucler leur fin de mois », constate Quentin Bigot. Concrètement, le taux a grimpé de près de 20 points pour la taxe d’habitation, 5 points pour le bâti et du double pour le non-bâti. « La dernière augmentation est de 2024 mais les impôts n’avaient pas bougé depuis 19 ans. Si on lisse sur cette période, nous n’aurons pas les mêmes chiffres » ajoute le maire.

Des perspectives de redressement

L’édile se veut néanmoins optimiste : « Mathématiquement, ça va revenir à l’équilibre. » Selon lui, si la commune parvient à respecter son calendrier de remboursement, la dette repassera à 3,1 millions d’euros en fin d’année et revenir à 2,7 millions fin 2026, ce qui signifie que les impôts pourraient commencer à baisser dès 2026 et retrouver un niveau « proche d’avant » d’ici 2028.

La vente prévue en 2025 des terres du centre de recherche ArcelorMittal, où doivent sortir 130 logements, pourrait rapporter près de 2 millions d’euros. « Sauf que récemment nous avons appris qu’il y a un litige suite à l’appel d’offre. Le perdant a déposé un recours au tribunal administratif pour excès de pouvoir, cela pourrait rallonger la vente, nous sommes loin de toucher cet argent », termine Quentin Bigot. En attendant, Gandrange doit vivre avec ce fardeau et certains habitants constatent des taxes qui ont passé du simple au double.

Jonathan Vaucher
Jonathan Vaucher
Journaliste Reporter d'Images / Présentateur

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