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Ce Mosellan vient de traverser la Manche à la nage !

À seulement 25 ans, Théo Goyeaud s’est élancé de Douvres, en Angleterre, dans la nuit de vendredi à samedi, pour rejoindre la côte française à la seule force de ses bras. Dans une eau à un peu plus de 18 °C, il a parcouru plus de 40 kilomètres jusqu’à Calais en un peu plus de 10 heures, réussissant ainsi une incroyable traversée.

Comment tu vas ? Comment c’était le retour ?
Ça va plutôt bien. Je suis content parce que déjà on est reparti sur une bonne note. J’ai réussi à finir ce projet en apothéose.
J’ai eu encore pas mal de douleurs à la bouche liées aux brûlures parce que j’ai bu beaucoup d’eau salée pendant cette traversée. Mais je suis assez content parce que je vois que la préparation était bonne et parce que musculairement je me sens vraiment très bien. Sinon j’ai une grosse fatigue.

Est-ce que tu peux nous dire en deux ou trois mots ce qui s’est déroulé ce week-end ?
J’ai construit depuis deux ans un projet pour traverser la Manche à la nage. Le projet est relativement simple. On part de Douvres en Angleterre. L’objectif est d’arriver en France à la nage. J’ai la seule force de mes bras.
J’avais bien sûr un bateau qui me suivait pendant tout le long et qui me permettait de me ravitailler et de faire ça en sécurité.

Tout ça, tu as décidé de le faire et en plus de cela, tu as rajouté une association.
C’est ça, j’ai contacté l’Association Une Main pour un Espoir qui réalise des actions contre la maltraitance infantile et des actions pour les enfants qui sont placés suite à ces maltraitances. Ça a été un projet humanitaire sur ce point-là.

Tu es parti ce week-end. Raconte-moi pourquoi partir à telle heure. C’était bien précis tout ça.
Je suis parti même il y a deux semaines parce que j’avais un créneau de dix jours. On contacte le pilote et on peut avoir ce créneau. On part dès que la météo est favorable.
J’ai eu la malchance d’avoir les résidus du cyclone Erin qui a fait qu’on avait énormément de vent pendant ma période. J’ai réussi à avoir un petit créneau sur les deux derniers jours qui était presque inespéré. Ça a été assez dur mentalement pendant ces deux semaines.
Ma copine était avec moi sur place et c’était assez long. Mais on a réussi à partir.

Il se passe quoi dans ta tête quand tu te dis que tu es sur le bateau, que tu vas plonger ? Tu te dis quoi à ce moment-là ?
Il y a déjà un soulagement parce que même dans les dernières 24 heures, on a eu un faux départ. J’étais déjà content de pouvoir être là, de savoir que j’allais pouvoir tenter cette traversée, que cette partie-là était finie. Maintenant, il ne reste plus qu’à nager.
Je me suis mis un peu dans ma bulle parce que j’aime bien me faire ramer un petit peu avant ça. Il n’y avait plus de stress, il n’y avait plus tout ça. Il n’y avait plus qu’à nager et faire ce que je savais faire.
Je me suis entraîné pour.

Là, tu plonges, tu es dans l’eau, tu enchaînes, tu nages. Il se passe quoi dans ta tête parce que c’est long forcément. Tu penses à quoi ?
Il y a plein de choses qui se passent dans la tête en même temps, pas tant que ça. Ça se répète assez souvent. Il y a eu des moments où c’était plutôt simple.
Les deux premières heures, forcément, ça va encore. Il y a des moments où, mentalement, on lâche un peu le truc. C’est un peu plus dur tout simplement.
Il faut se forcer à rester positif mentalement. Je me le disais tout seul. Là, c’est des pensées négatives.
Allez, on pense à autre chose. On a des ravitaillements qui sont faits toutes les demi-heures. Ça permet d’avoir des objectifs à court terme.
Tu prends ton ravitaillement, tu es content. Il se passe 5-10 minutes où tu es bien grâce au ravitaillement. Tu n’as plus que 5-10 minutes, plutôt 20 minutes encore à attendre pour le prochain.
Et puis, on recommence jusqu’à l’arrivée.

Ces ravitaillements, forcément, ça doit être bien précis, que ce soit l’alimentation, ce que tu bois, comment ça se passait ?
Honnêtement, je n’ai même pas la composition exacte parce que je me suis rapproché de coachs anglais qui étaient assez spécialisés dans cette traversée. J’avais fait des stages avec eux. J’étais parti en Croatie m’entraîner.
Là, on avait fait plein de tests. Il y a des gels pour l’effort pour avoir la caféine qui me maintient correctement éveillé. Surtout que j’ai traversé de nuit, donc il fallait ça en plus.
Ça reste très sucré pour que le corps ait toujours cette énergie à disposition. Et après, je sais qu’il y a des produits, des boissons qui aident le corps à éliminer plus facilement pour éviter des douleurs musculaires, des crampes, etc.

C’était surtout liquide en fait ?
J’ai eu que du liquide. J’ai mangé à un moment un petit bout de banane, mais c’est tout. On avait travaillé.
Il y a d’autres gens qui font la traversée qui mangent bien plus solide que ça. Moi, ça m’allait et voilà.

Tu as des anecdotes dans l’eau ? Par exemple, on a vu dans le groupe WhatsApp qu’il y avait des bateaux de la douane, etc. Est-ce que quelquefois, tu t’es fait arrêter ? Forcément, quelqu’un qui nage, c’est pas commun dans la Manche.
Déjà, il faut savoir qu’il y a beaucoup de nageurs qui tentent la traversée. On est plusieurs nageurs à essayer de faire ça tous les ans. Et là, comme la météo n’était pas bonne, on est quand même 5 à 7 bateaux à être partis en même temps.
Moi, dans l’eau, je ne les voyais pas, mais je sais que sur le bateau, il y avait les autres nageurs. J’avais une vitesse de nage plus rapide qu’eux. Ils étaient contents de voir quand on les dépassait.
Sinon, oui, il y a eu un voilier à un moment qui est venu vers nous. Je crois que c’était à peu près au bout d’une heure de nage. On est en pleine nuit, donc ils se sont arrêtés.
Ils ont klaxonné, un petit coup de stress parce que je ne savais pas pourquoi on m’arrêtait. Mais bon, ils m’ont vite expliqué. Le problème, c’est que j’ai dû rester en statique 15-20 secondes, mais ça a permis de refroidir un petit peu le corps.
Je suis vite reparti. Sinon, il y a eu un paquebot qui est passé très proche de nous. Le bateau a fait des petits zigzags pour lui laisser le temps de passer.
Il y a eu pas mal de petites anecdotes comme ça. J’ai eu un banc de poissons qui est venu nager un peu avec moi. En pleine nuit, les spots éclairaient tellement que les poissons sont venus.
Ils étaient à peu près à un mètre de moi et ils nageaient à ma vitesse. Ça, c’était aussi un beau moment. Il y a eu d’autres poissons.
Je ne connais pas tous les types de poissons, mais ils m’ont foncé dedans un peu. J’ai une petite marque là, c’est assez marrant. Ça ne m’était jamais arrivé.
J’ai eu la chance de ne pas croiser tant de méduses que ça, parce que c’est un des problèmes pour certaines traversées. Je n’ai pas traversé de banc de méduses. J’en ai touché 2-3, mais aucune brûlure insoutenable. Là-dessus, c’était plutôt pas mal.

J’ai vu les photos, c’était super aussi…
J’étais un peu déçu au début de partir de nuit, parce que ça rajoute une petite difficulté.
Effectivement, l’eau est froide. On part quand même dans la période de l’année où elle est la plus chaude, où elle a chauffé.
Là, elle tournait autour des 18 degrés. J’étais un peu déçu aussi, parce que 2 semaines avant, ces fameux vents du cyclone Erin l’avaient fait monter à 19-19,8. C’était inespéré.
Je me suis dit : super, je n’aurai pas de problème avec la température. Et donc, oui, traverser de nuit dans une eau de 18 degrés, c’était un des plus gros défis pour moi. Je suis content, parce que les entraînements ont payé.
Le froid a été bien géré. Et oui, le lever du soleil, ça fait du bien au moral, parce qu’en plus, je sais que c’est bientôt la fin. Oui, c’était des beaux moments.

Tu vas arriver, tu es sur la fin de ta traversée, comment ça se passe ? Explique-moi les derniers instants…
C’était presque les plus compliqués, finalement, parce qu’en fait, je vois enfin les côtes françaises. J’avais déjà fait un relais, où j’avais déjà vécu ce moment, où je sais que quand on voit les côtes, il reste souvent pas mal de temps, parce qu’il faut y arriver. Les courants continuent à nous décaler.
On a peut-être l’impression d’être à 500 mètres de l’arrivée. On va encore nager 1,5 km, parce que le courant va nous déporter. On ne peut pas faire une parfaite ligne droite vers les côtes.
Donc ouais, moi, sur ces trois dernières heures, ça a été assez compliqué, parce que la bouche était très attaquée. Des vagues dues aux côtes et des courants sur place s’étaient formés de nouveau. Donc l’eau n’était plus aussi calme qu’au milieu de la traversée.
Donc je recommençais à boire la tasse. Et mentalement, on est dans une phase où c’est bon, on sait qu’on va y arriver. Il n’y a pas de question de s’arrêter à cette distance-là.
Et du coup, je profitais aussi un peu de la vue, mais j’ai perdu un petit peu de temps là-dessus, mais ce n’est pas très grave. Mais ça a été très dur mentalement, parce qu’à chaque fois, je me disais, bon, il reste une heure de nage. Puis je voyais le coach qui me refaisait des ravitaillements, qui ne me disait jamais que c’était le dernier.
Donc je me disais, bon, il en reste au moins deux encore. Et puis ça paraissait interminable.
Mais après ce fameux moment où on y arrive quand même, et le coach saute avec moi pour me guider jusqu’à la côte correctement à un lieu où il est propice de sortir.
Un petit bateau me suit pour me ramener après. Et là, c’est enfin l’arrivée, c’est enfin la fin de ce projet, la concrétisation. Et je pense qu’aujourd’hui, je ne me rends encore pas compte que ça y est, c’est fini, j’ai réussi.
Mais oui, tu es soulagé parce que déjà, musculairement, l’effort est fini, tu vas pouvoir te reposer. Et puis de voir tous les… Je savais que j’avais ma famille qui m’attendait sur la plage, donc c’était aussi un des éléments qui me motivait pendant la traversée d’aller les rejoindre.
J’avais les gens sur le bateau, je sais qu’il y a eu beaucoup d’émotions pour tout le monde, et pour moi forcément aussi. C’était génial. J’ai réussi à la faire en 10 heures et 11 minutes cette aventure !

C’est ce que tu t’étais fixé à peu près, ou c’est que tu ne savais pas trop ce que tu faisais pour le faire ?
L’objectif était vraiment de terminer la traversée, en dépendant tellement des conditions de météo que j’aurais pu faire une demi-heure de mieux comme une demi-heure de plus, juste avec des conditions différentes. Mais j’estimais autour des 10 heures. J’avoue, j’aurais aimé faire en dessous des 10 heures, forcément.
Mais franchement, 11 minutes sur un projet aussi long, ce n’était pas du tout une nécessité. Je suis très heureux du résultat.

Dernière chose, qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Tu as d’autres objectifs, et puis j’imagine aussi, tu l’as un peu évoqué, tu es un peu suivi au niveau de la santé encore, j’imagine, par rapport notamment au sel que tu as pu boire.
Oui, là, au très court terme, ça va être forcément de récupérer de toute cette traversée. Et puis après, je vais avoir des objectifs un peu plus perso pendant peut-être un an ou deux, de maison, etc. Parce que forcément, pendant deux ans, j’ai mis un peu de côté ma vie perso.
Mais il y aura sûrement par la suite d’autres traversées ou des choses comme ça, parce que j’ai vraiment aimé ce milieu et puis voilà, c’est ce petit virage dans ma pratique du sport.

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Mattéo Philipp
Mattéo Philipp
Journaliste Reporter d'images

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