Maire de Sarrebourg depuis 1989, Alain Marty ne se représentera pas. Il revient sur près de cinquante ans de vie politique en Moselle sud et évoque l’avenir de la sous-préfecture de Moselle.
Alain Marty, pourquoi avez-vous décidé de ne pas vous représenter après 49 ans de mandat, dont 37 comme maire ?
Deux éléments. Déjà l’âge. Mais surtout, je crois qu’il est important que chaque génération puisse modeler la ville dans laquelle les gens sont. Après autant d’années, il faut un visage nouveau, un renouveau des envies. Une nouvelle génération doit exercer ses responsabilités.
Vous aviez donc succédé à Pierre Messmer, maire de Sarrebourg pendant quasiment 18 ans et vous en étiez son adjoint pendant quasiment 12 ans. C’est une personnalité forte à l’échelle locale mais aussi nationale. On le rappelle, il était Premier ministre sous Georges Pompidou. Quand vous avez pris les rênes de la ville, est-ce que vous pensiez rester aussi longtemps ?
Non, parce qu’on n’est jamais sûr de la durée de ses mandats. Pierre Messmer reste la plus belle rencontre politique que j’ai faite. J’ai continué son action après avoir été son adjoint, puis premier adjoint. On s’est rencontrés quand il est venu comme candidat aux législatives. J’étais à l’époque à Vic-sur-Seille. On a de suite eu une approche assez intéressante. Et très vite, je me suis retrouvé dans le mouvement politique gaulliste. Et après, adjoint au niveau de la ville de Sarrebourg, et premier adjoint pendant 6 ans. Ceci a été une collaboration extraordinaire. Et quand vous côtoyez des personnes de cette dimension, c’est très enrichissant. Donc ça reste pour moi un personnage marquant. Un gaulliste très fort. Et une personne avec une moralité, avec un rayonnement qui était vraiment important.
Quelle a été votre première volonté en arrivant à la mairie ?
On était dans une continuité. M. Messmer avait structuré la ville. J’ai poursuivi son action. Puis il y a eu des opportunités : la création de l’intercommunalité, les terrasses de la Sarre, des équipements, le musée… L’idée était que Sarrebourg, ville-centre d’un territoire rural, ait des équipements importants. Plus récemment, l’opération Cœur de ville a été un travail essentiel pour redonner du sens à l’urbanisme, à l’habitat, au patrimoine et au commerce.
Sarrebourg est « un peu à l’écart », 1h20 de Metz, de Nancy, de Strasbourg, de l’Allemagne. Quelle est la difficulté, justement, quand on est maire de Sarrebourg ?
Cet éloignement est une chance parce que ça nous amène à avoir nos propres politiques. Alors, notre ville n’est pas importante, 12 500 habitants. C’est la plus importante du territoire, certes, mais en nombre d’habitants, ce n’est pas énorme. Si vous êtes dans l’orbite d’une métropole, Metz, Nancy, il y a des tas de services que vous n’aurez pas parce qu’ils sont au niveau de la métropole. Et vous êtes sous l’emprise de la métropole. Nous, ici, nous sommes loin, donc nous devons exister, avoir notre propre politique culturelle, notre propre politique sportive. Les transports ont été quelque chose d’essentiel. C’est-à-dire qu’on a une gare à Sarrebourg où on a tous les jours plus de 2000 personnes qui prennent le TER ou le TGV, puisque nous avons un arrêt TGV. Il n’y a pas beaucoup de villes en Moselle qui ont un arrêt TGV, mais en tout cas, nous avons voulu développer ça pour avoir cette liaison sur Paris pour nos entreprises. Donc, c’est une chance d’être éloigné des métropoles parce que ça vous amène à avoir votre propre politique. La difficulté, c’est que nos moyens financiers ne sont pas à la hauteur d’une métropole. Et donc, c’est compliqué de faire ces arbitrages et de réussir à avoir un développement aussi riche qu’on le souhaite.
Beaucoup regrettent la perte de vitesse du centre-ville. Votre analyse ?
C’est le cas dans toutes les villes : la paupérisation du centre se traduit par des logements vétustes, une population appauvrie et la fuite des commerçants vers la périphérie, où la voiture reste le mode de consommation dominant. Les centres-villes peinent donc à maintenir une véritable attractivité commerciale, avec trop de services et pas assez de commerces. D’où la nécessité de les transformer autour de trois axes. D’abord, l’habitat : ramener de jeunes couples suppose des logements de qualité, avec un programme d’amélioration et de transformation de bâtiments en cours. Ensuite, soutenir les activités encore présentes et repenser l’animation, car les habitants vivent la ville différemment : moins de circulation rapide, plus de convivialité, de restauration, d’espaces pour les enfants. Enfin, mener une réorganisation globale du centre-ville, enrichie d’une offre culturelle, dans laquelle une nouvelle génération devra apporter sa touche.
La question de la santé inquiète les habitants. Certains habitants regrettent la disparition des médecins spécialisés. Qu’est-ce que vous avez à leur dire à ce niveau-là ?
Pour attirer des habitants sur un territoire, il faut leur garantir une offre de soins de qualité. Vivre en ruralité ne doit pas réduire les chances d’être bien pris en charge, y compris en cas d’urgence comme un AVC. L’offre de soins est donc essentielle. Nous avons la chance d’avoir un centre hospitalier général, et je m’efforce qu’il reste déterminant. L’autre pilier, ce sont les médecins généralistes : ils connaissent les familles, l’environnement de vie et sont au cœur du système. Il faut maintenir et développer cette offre. C’est pourquoi nous travaillons à la création d’une maison de santé pluridisciplinaire en cœur de ville. L’objectif est de conserver les cabinets médicaux en centre-ville, car les médecins souhaitent désormais exercer ensemble et mutualiser des moyens. Cette maison de santé, qui sera bientôt concrétisée, renforcera l’offre pour les praticiens tout en apportant un flux de patients au centre-ville, participant ainsi à son attractivité.
Vous souhaitez désormais, pour Sarrebourg « un renouveau et un rajeunissement associé à l’expérience. » Céline Bentz, du centre droit, conseillère municipale, s’est présentée et fait déjà campagne. Fabien Di Filippo, membre LR, député, dont vous êtes très proche, l’a annoncé il y a peu. Les deux successeurs sont là, en tout cas, les deux potentiels successeurs sont là.
Il y aura peut-être d’autres candidats. Je crois que les Sarrebourgeois savent pertinemment quel est mon choix, mais je l’exprimerai clairement pendant la campagne électorale. Là, aujourd’hui, je suis tout à la tâche de mon mandat qui a été un mandat utile. je veux terminer mon mandat à fond. Donc je suis en train de préparer le budget 2026, en fonction, justement, des activités cœur de ville, que l’on structure ce budget pour 2026. J’ai souhaité qu’une nouvelle génération prenne ses responsabilités, mais gérer une mairie, c’est aussi une entreprise collective. C’est pas uniquement « j’ai envie d’être maire de Sarrebourg ». C’est un travail collectif, et je trouve que le rajeunissement, d’une part, est associé à l’expérience d’élus qui ont déjà l’expérience de la gestion communale, et sans doute la meilleure façon de garantir un avenir solide à la ville de Sarrebourg.
Quelle est votre plus grande satisfaction en 37 ans ?
Quand j’ai succédé à Pierre Messmer, c’était une tâche immense. Je crois que j’ai été digne de ce qu’il avait fait pour la ville, et j’ai essayé de poursuivre dans cette voie, donc un sentiment de loyauté vis-à-vis à Pierre Messmer, volonté de faire en sorte que notre ville rayonne, se développe. Nous avons eu énormément d’équipements qui ont été réalisés. Je crois que le cadre de vie est intéressant à Sarrebourg. Je crois que les services à la population, même dans un contexte difficile financièrement, sont maintenus. Donc, ce n’est pas une fierté personnelle, c’est une fierté des équipes qui m’ont accompagné, et donc j’ai eu de la chance pendant ces 37 années où j’étais maire, de ne pas avoir de difficultés majeures au niveau de mes conseils municipaux, même avec les oppositions. Je crois que je peux dire que nous avons travaillé dans l’intérêt de notre collectivité, et donc c’est plus une satisfaction, une fierté d’équipe, d’avoir réalisé un certain nombre de choses. Je ne ferai pas de bilan exhaustif de 37 années de mandat, parce que ce n’est pas à moi de le faire. Dix élections m’ont renouvelé leur confiance. Je crois ne pas avoir trahi cette confiance… Je pense qu’un jour, il y aura peut-être un historien qui se penchera sur ce qui a été fait. Mais je peux terminer mes mandats en me disant que j’ai été à l’écoute des Sarrebourgeois, j’ai eu une ambition pour Sarrebourg.
Vous avez sûrement des déceptions ou des choses que vous vouliez mettre en place qui n’ont pas pu se réaliser ?
Avec le recul, ce que je constate, c’est l’appauvrissement des communes. Nous avions pu réaliser de gros investissements, comme le cinéma de cinq salles pour 6 millions d’euros. Je ne suis pas sûr qu’un tel projet serait possible aujourd’hui. Les moyens financiers diminuent : nos recettes stagnent tandis que les charges augmentent, et c’est une vraie préoccupation. Deuxième difficulté : la complexité réglementaire. Chaque équipement prend désormais des années. Ce retard renchérit les coûts — 30 à 40 % de plus pour trois ans de décalage — et demande une énergie considérable. L’exemple du commissariat est parlant : premières discussions avec l’État en 2017, livraison à l’été 2024, pour 3 millions d’euros. Tous les dossiers suivent ce schéma. Il faut du courage, de la persévérance, et ne jamais perdre de vue l’essentiel : ce qui est bon pour Sarrebourg et ses habitants. La satisfaction, c’est d’arriver au bout malgré les obstacles.
Quand on est maire depuis si longtemps, il y a bien des petites anecdotes, une réunion marrante ou pas ? Quelque chose que vous aimeriez raconter ?
Il n’y a rien qui vient comme cela de prime abord. Peut-être juste une chose. C’est le plus beau des mandats, le mandat de maire. La satisfaction, ce sont les gens qui vous croisent avec un sourire, un enfant qui dit “bonjour monsieur le maire”. Malgré les moments difficiles, comme un incendie volontaire… Il faut continuer, pour créer une ville chaleureuse, fraternelle, qui rayonne dans l’intérêt des habitants.
Beaucoup peuvent se poser la question, vous avez bientôt 79 ans, qu’allez vous faire de votre quotidien le 23 mars 2026, au lendemain du second tour des municipales ?
J’espère que ce sera le 16 mars. Ce que j’attends, c’est d’être libre. Ce n’était pas une contrainte d’être maire, je l’ai voulu et exercé avec plaisir et passion, mais aujourd’hui j’ai envie de liberté. En ce moment, avec l’élaboration du budget, il m’arrive même de me réveiller la nuit en me demandant si mes choix sont les bons. À mon âge, je veux profiter du temps qui me reste sans savoir combien il durera, comme tout le monde. Lire, faire des choses simples, mais en toute liberté. C’est vraiment ce que je souhaite le plus.
Toute l’actualité du département de la Moselle à suivre en direct sur Moselle TV.





