Le monde de l’entreprise et celui du football. C’est sur ce parallèle que Stéphane Le Mignan, entraîneur du FC Metz en Ligue 1, est venu s’exprimer lors de l’Instant Sport, devant une cinquantaine de participants.
Le football, il a changé. Une phrase devenue virale de la star de l’équipe de France, Kylian Mbappé. Et pourtant, il n’a pas complètement tort. Le monde du ballon rond partage bien des points communs avec celui de l’entreprise, notamment dans le management : « Le management bouge beaucoup en fonction du public, des joueurs que l’on a, et de l’équipe technique. On a tous des relations différentes, ce n’est pas figé. » explique Stéphane Le Mignan, entraîneur du FC Metz « On ne peut pas s’arrêter sur un fonctionnement d’il y a dix ans. On essaie d’être au contact de choses qui peuvent nous être utiles au quotidien. » Lancé très jeune dans sa carrière d’entraîneur, il reconnaît que ce n’était pas toujours évident : « Quand je commence à 28 ans, je peux avoir une différence d’âge avec certains joueurs qui sont plus âgés ! »
Et lorsqu’on lui demande s’il a changé depuis ses débuts, il acquiesce : « Oui, bien sûr. On a une formation de la Fédération Française de Football qui est très fermée. Ma formation d’il y a 15 ans l’est. Si on ne s’ouvre pas, on reste en difficulté. Il faut trouver des orientations. Avoir une relation avec ses joueurs. » Il pousse même la comparaison plus loin : « C’est un peu comme l’Éducation nationale qui a un manque d’ouverture d’esprit. » Curieux de ce qui se fait ailleurs, Le Mignan s’inspire notamment des pays scandinaves : « Ils ont peu de moyens mais trouvent toujours d’autres solutions. »
Dans un vestiaire de football, les différences culturelles et linguistiques sont marquantes : « Certains parlent français, d’autres anglais chez nous, un tiers du vestiaire est sénégalais et parle donc le wolof. » Par exemple, Jonathan Fisher, le gardien du FC Metz, apprend le français, mais s’adapte selon les situations : au lieu de crier « J’ai ! » comme tout gardien francophone lors d’une sortie aérienne, il préfère « Fish ! ». Tant que la défense comprend, peu importe. Stéphane Le Mignan insiste sur l’importance de mettre les joueurs étrangers à l’aise : « Quand on a fait Tsitaishvili, je l’ai eu au téléphone. J’ai tout de suite dit “il nous faut un autre Géorgien”. J’en ai parlé à Frédéric Arpinon. On a trouvé un profil intéressant qui est aussi arrivé par rapport à ça. »
Mais lors d’un mercato, tout se complique, rappelle-t-il, évoquant un conseil reçu de Carlo Molinari, ancien président du club : « Il m’avait dit que, quand un joueur est marié, il voulait le voir lui et l’épouse. Ça l’aidait beaucoup pour comprendre le comportement de chacun. Aujourd’hui, il y a des structures très pointues dans le recrutement. Il y a de la data mais aussi d’autres aspects, et certains se basent dessus, notamment en Scandinavie. On doit être plus précis dans l’aspect psychologique d’un joueur. »
Football et entreprise, mêmes règles du jeu
Un message central ressort : comme dans le football, une entreprise fonctionne avant tout comme une équipe. Aucune individualité ne doit passer au-dessus du collectif : « Il faut la performance et des résultats positifs. Je crois beaucoup aux convictions qu’on met en place. On n’impose pas, mais ils doivent adhérer au projet. Ils peuvent avoir des doutes, alors on échange, et si le dialogue est bon, on pourra s’expliquer et rectifier. » raconte Staphane Le Mignan.
Même si le mercato estival ne ferme que début septembre, des stages permettent de renforcer la cohésion du groupe : « On ne peut pas avoir les mêmes sensibilités avec tout le monde mais on doit avoir la même vision : le maintien. On fait en sorte qu’il n’y ait pas d’objectifs individuels qui viennent parasiter cela. » À son arrivée en 2024, Le Mignan a d’ailleurs rencontré quelques résistances : « Je sentais des joueurs très réticents à ce que je voulais proposer. Mes adjoints l’ont senti aussi. Au fil de la saison, il y a eu une bascule. Il faut y aller par étapes. »
La dynamique de groupe est, selon lui, essentielle et « peut nous faire passer du bon côté. C’est la clé de la réussite. » Mais après un match, il reconnaît devoir souvent aller « à contre-courant » pour remobiliser ses joueurs, que ce soit après une défaite ou une victoire : « Quand on voit au quotidien un groupe avec de l’énergie positive dans le travail, engagé toute la semaine, je sens que ça va basculer en match. C’est ce qu’ils ont ressenti aussi. »
Autre aspect essentiel : le caractère. « Je pense que mon comportement déteint sur le groupe. Plus l’entraîneur est hystérique, plus les joueurs risquent de l’être. L’année dernière, on est l’une des équipes les moins sanctionnées du championnat. »
Adapter son management sans perdre le collectif
L’erreur fait partie du métier. Au football, elle peut coûter cher, surtout pour un gardien : « On y a droit mais il faut l’analyser. Il existe des erreurs qu’on peut anticiper avec le comportement. Par exemple, Arnaud Bodart s’en est très vite voulu de son erreur face à Ajaccio la saison dernière. » Ses coéquipiers avaient alors été présents pour le réconforter.
Concernant Sadibou Sané et son deuxième carton rouge de la saison face à Toulouse, cet épisode – n’était pas – anodin : « Quand on le voit lors de nos entretiens individuels, on lui explique que c’est logique par rapport aux entraînements qu’il réalisait la semaine. » témoigne Stéphane Le Mignan.
Comme un chef d’entreprise, l’entraîneur doit maintenir une forme d’autorité, mais s’adapte selon les profils : « Le joueur âgé pense à la suite de sa carrière alors que le jeune pense à évoluer en Ligue 1. Celui qui a environ 25 ans pense à performer. Il faut un management qui permette à tout le monde d’être sur le même pied d’égalité tout en s’adaptant à la personne. »
Enfin, Le Mignan revient sur le cas de Cheikh Sabaly, en instance de départ cet été, qu’il décrit comme « une belle personne » : « Je lui donne le brassard pour qu’il soit au cœur du projet. Sans trahir de secret, Cheikh Sabaly donne la moitié de son salaire à son village au Sénégal. Forcément, quand l’Angleterre vient à ta porte et peut te proposer bien plus d’argent… ».
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