Imaginée en 2007 par trois étudiants américains, la plateforme Airbnb est devenue une référence mondiale de la location courte durée, générant près de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Pourtant, son ombre est parfois bien plus sombre que l’on ne le pense, surtout dans les villes les plus convoitées. Aubaine financière ? Évidemment. Source de tensions ? Semblerait-il aussi. Mais alors, qu’en est-il à Metz, capitale mosellane et point d’intérêt touristique grandissant ? Quel est l’impact du géant sur l’hôtellerie, le marché immobilier ou encore sur le portefeuille des propriétaires ? Grand format.
Pour rien au monde, il ne reviendrait en arrière. Au cœur du plateau piétonnier messin, derrière une façade typique du centre historique, Dominique s’active pour que tout soit prêt à temps. Le lit ? Fait. La cuisine ? Nettoyée. Les brochures touristiques ? En place. Ce professeur de musique a acheté un appartement il y a quelques années. Il l’a d’abord loué de manière classique avant de le proposer sur Airbnb. Une décision mûrement réfléchie, née d’une mauvaise expérience passée. « J’avais déjà fait de la location longue durée, ça a été un peu compliqué avec des locataires difficiles. Et puis, il faut dire qu’on a une meilleure rentabilité », explique-t-il sans détour. Au-delà de l’aspect financier, Dominique revendique une autre motivation : le plaisir de partager sa passion pour Metz avec des visiteurs venus d’ailleurs. « Je suis amoureux de ma ville, j’aime la partager avec les voyageurs, leur faire des suggestions. Faire des rencontres aussi, c’est captivant », sourit-il.
Un marché en expansion, sous surveillance
Touristes de passage, travailleurs en mission, voire même Messins à la recherche d’un logement provisoire : les profils des clients sont variés. L’offre l’est tout autant. Car Metz compte aujourd’hui environ 700 logements proposés sur la plateforme. Un chiffre qui interroge. Pour Cédric Lavaud, administrateur national à la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), l’enjeu se mesure moins en nombre absolu qu’en proportion. « Ce n’est pas un nombre de logement, c’est un ratio. Exemple concret : si à la rentrée scolaire, nous n’arrivons plus à loger les étudiants parce que la majorité des studios sont dédiés à la location saisonnière, alors ça deviendra problématique », explique-t-il. Pour l’heure, Metz ne connaît pas encore la pénurie observée dans certaines métropoles. Et une nouvelle réglementation, entrée en vigueur cette année, permet désormais aux maires de fixer des quotas de locations saisonnières afin de protéger l’accès au logement.
La concurrence appelle la concurrence
Concrètement sur le terrain, les projets se multiplient. Quartier gare, Martin Ngosso vient de mettre en ligne son deuxième Airbnb. Un investissement de 135 000 euros, pour créer un véritable cocon. « Le premier tournait bien, alors on s’est dit, on va faire un appartement encore mieux que le premier pour toucher plus de personnes », raconte-t-il. Passionné d’immobilier, Martin assume une logique entrepreneuriale. Sa recette : anticiper la demande et rester compétitif. « La concurrence fait que les propriétaires mettent plus de valeurs. Ils mettent plus d’argent dans la rénovation, l’ameublement, pour rester compétitifs. La majorité des logements monte en gamme », observe-t-il. Cette montée en standing a un prix : ici, il faut compter 172 euros pour deux nuits. Mais Martin ne compte pas s’arrêter là. Prochaine idée dans les cartons : une « love room », pour séduire une clientèle en quête d’expériences originales.
Des concepts insolites qui fleurissent
Un concept que Jonathan Simon a déjà mis en œuvre, à quelques rues de là. Baptisé Sombres Pensées, il a entièrement réaménagé un ancien local commercial : baignoire balnéo, sauna infrarouge, lit en acajou et ambiance feutrée. Jonathan a mis la main à la poche, 100 000 euros, hors achat du bien. « C’est un investissement qui vaut la peine, mais ça demande beaucoup de travail. La communication avec les clients, l’entretien… trois heures de nettoyage et de désinfection par mon équipe avant l’arrivée du client », détaille-t-il. Un effort payant : certaines semaines, Jonathan enregistre jusqu’à six réservations. « J’ai voulu aussi me démarquer des autres », affirme-t-il. De quoi largement assurer sa rentabilité.
Entre vitalité économique et dérives
Derrière ces initiatives, une tendance de fond : la diversification de l’offre. Airbnb n’est plus seulement une alternative bon marché à l’hôtel, mais une galaxie de propositions, du studio fonctionnel au logement thématique haut de gamme. Un bouleversement qui ne laisse pas les professionnels de l’hôtellerie indifférents. « Le positif, c’est que ça apporte une nouvelle clientèle touristique sur la métropole. Le négatif, c’est l’impact sur l’hôtellerie. Le secteur voit Airbnb comme une concurrence déloyale, puisque les normes sont différentes entre un hôtel et un Airbnb », précise Christophe Thiriet, président de l’Umih 57.
220 000 € – La SOMME reverséE par Airbnb à la ville de Metz en 2024
Reste que la ville y trouve aussi son compte. En 2024, la plateforme a reversé plus de 450 000 euros de taxe de séjour aux collectivités mosellanes, dont près de 220 000 euros rien que pour sa capitale. Une manne financière bienvenue, mais qui ne répond pas à toutes les interrogations. Le succès d’Airbnb doit-il être vu comme une chance pour le dynamisme touristique, ou comme une menace pour l’accès au logement et l’équilibre hôtelier ? À Metz cet été, avec 10% de passage en plus à l’Office du tourisme par rapport à 2024, la question pourrait bientôt se poser.
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